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L'élégancedeslivres
9 janvier 2023

Moana Blues Anne-Catherine Blanc Éditions Au vent des îles

Moana blues

Moana Blues

Anne-Catherine Blanc

Éditions Au vent des îles

Moana blues

Mon avis :

« Moana, faute d’un meilleur synonyme, les Polynésiens interrogés traduisent le mot par bleu.

Grand bleu s’efforce de traduire moana, mais moana est intraduisible.

Moana, c’est aussi le bleu du ciel dans sa plus grande profondeur quand l’abîme et le zénith se regardent dans les yeux. »

Moana, c’est aussi un prénom.

Ce texte de renom, doux comme de la soie est d’une beauté inouïe. Litanie, choralité intrinsèque, la poésie est à l’instar du sable qui s’écoule entre les mains subrepticement. La langue dévore les pages, sublime et attentive, altière et sans pathos. La puissance innée d’un génie littéraire.

Avant de pénétrer ce récit, de lire, il se passe l’heure de la connivence entre un chef-d’œuvre d’excellence et ce qui va advenir d’une trame bouleversante, pure et merveilleuse.

La rencontre avec Paulot, le beau-père de Moana, endormi à jamais dans l’antre familial.

Il y a si peu encore, ce jeune homme de 16 ans virevoltait dans la vie. Complice avec Paulot, lui, qui lui a offert une paire de palmes pour noël, juste trois jours avant sa noyade.

Paulot qui a su rassembler la fratrie. Malinda et ses poulbots, enfants de pères différents. Seule, la petite dernière Urahei, est la sienne aux yeux du monde. Sauf que Paulot va les adopter, les éduquer, les pousser entre vagues et terre, contraintes et devoirs, et l’amour à pleines brassées.

Le récit se situe sur une journée. Séquence après séquence, heure sourde contre heure pleine de larmes, nous sommes en plongée dans cette torpeur où l’enterrement de Moana clôturera le rituel de l’avant, avec ses habitus, son voile blanc et ses fleurs d’hibiscus.

Dans les mouvements des aiguilles au cadran des souffrances intestines, des rappels et des attitudes dignes et pudiques. L’écriture admirable de Anne-Catherine Blanc fusionne et étincelle, dans une intégrité touchante et digne.

« Peut-être qu’elle tient ça d’un de mes gênes à moi, qui sait ? Dès qu’elle aura les pieds assez grands, je lui achèterai des palmes. Et je lui collerai le masque sur la tronche dès qu’elle saura nager. Et je la ferai plonger. Comme Moana, bon Dieu, comme Moana. Y a pas de raison pour que l’histoire bégaie. »

« Moana, mon fils, j’aurais voulu que la mer ne rende jamais ton corps. Moana, mon fils, j’aurais aimé qu’on t’immerge en face de notre maison, au-delà du récif, dans le bleu, pour que l’océan puisse achever son œuvre. »

Paulot, fragile et aimant, qui connaît de l’amour toute sa glorification. Dans son quotidien où l’importance est dans les petits riens, les actes de magnanimité. Paulo est un altruiste, un homme qui affronte la mort, le regard perdu vers l’horizon. Un être égaré dans les limbes d’un chagrin infini.

« Le seul avantage de ce grand gâchis aura été de ventiler un peu les gènes de l’espèce humaine : à regarder Moana, ton fils, ce demi,si beau, on ne pouvait que militer pour le grand métissage universel. »

S’il est un livre olympien, théologal, dans cette orée où le bleu étale son céleste pouvoir, c’est celui-ci. On est en transmutation dans cette famille océane où Moana apaise les silences et les douleurs. Ce texte d’une journée, d’une vie, d’un drame et de ses brûlures est tragique et touchant.

« J’attends la fin de cette journée qui n’en finit pas. Moana, pour pouvoir te retrouver dans cet univers où notre filiation s’est éprouvée et reconnue. »

Un livre d’amour, magistral. Un hymne à la filiation. Une merveille de complétude dont chaque crépitement est Moana. Inoubliable. Le plus bel éloge pour Moana.

Publié par les majeures éditions Au vent des îles.

 

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