L'Homme qui apporte le bonheur Cãtãlin Dorian Florescu Traduit de l'allemand par Élisabeth Landes Éditions des Syrtes
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L'homme qui apporte le bonheur
Cãtãlin Dorian Florescu
Traduit de l'allemand par Élisabeth Landes
Éditions des Syrtes
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L’éminente littérature !
Un kaléidoscope profondément humain. Un récit qui excelle de sentiments, de regards, sans réserve envers les belles généalogies.
« L’homme qui apporte le bonheur » est une immersion sociologique et intime, dont on pressent le tracé des ancêtres de Cãtãlin Dorian Florescu.
C’est une épopée qui frôle notre contemporanéité, du début du vingtième siècle à aujourd’hui.
Dans l’évidence d’assembler deux familles sur trois générations, séparées par l’océan et deux fleuves l’Hudson et le Danube. Les voix, ici, dans ce roman où l’étirement du temps n’a pas lieu, sont rémanence, regain et honneur aux aïeux.
Ray conte son grand-père, orphelin, dans un New-York en noir et blanc. Il est débrouillard, tenace, la faim au ventre, ce petit poulbot grandissant dans les ruelles affames, grises, entre les siens, les abandonnés. De cireur de chaussures, il devient vendeur de journaux à la criée.
« - Je te prends trois journaux l’Allumette ! - Vraiment ? Dit grand-père.
- Avec le premier, je cirerai mes chaussures ; avec l’autre, les boutons de ma livrée ; et le troisième, je le laisserai ouvert sur la table, pour faire croire que je sais lire. Tu as vendu quelque chose aujourd’hui ?
- Pas beaucoup.
- Tu vois… Et tu as mangé ? »
« Mon grand-père, ce garçon qui ne savait pas s’il allait survivre à la journée du lendemain, encore moins tombé amoureux un jour, faire des enfants et avoir un petit-fils, moi.»
Fils de personne, qui aime chanter, faire pleurer les femmes de par sa voix cristalline. Qui fait d’une chanson, l’existence de tous, l’exutoire pur et douloureux. « Un répertoire de sanglots, de pères disparus, de vie et de mort. »
Une voix qui ne traverse pas la rue, ne s’élève pas, mais acclame les engloutis, ceux qui sont cachés dans les entrailles des migrations intérieures. « L’homme qui apporte le bonheur », c’est lui. Les rêves pour regards, le chant pour baume, pour ceux et celles dont les espoirs sont des cendres devenues. Ces migrants d’Italie, d’Irlande , et de l’Europe de l’Est. Lui, le porte-voix, l’épiphanie des consolations.
On ressent dans cette chronologie qui touche au cœur, l’évidence, le vertige, les mêmes objectivités que notre présent. Cet hymne au bonheur en devient universel.
Elena est dans l’autre versant. La Roumanie et ses toits rougeoyants, dans un battement intermittent, elle conte sa mère, qui sans même le vouloir, elle est le double cornélien du grand-père de Ray. Elena, mère et fille confondues, dans un même prénom.
« - Pourquoi est-ce qu’elle ne pleure pas ? demanda Vania. - Parce que les femmes sont plus malignes que les hommes. Toi, tu pleures de suite. Mais elle, elle sait qu’elle doit garder ses forces pour tout le reste de sa vie. »
« C’est ainsi que ma mère reçut le nom de ma grand-mère et me le transmit, quarante ans plus tard. Je suis la troisième de toute une série d’Elena, Ray. »
Cette mère qui a la lèpre et doit s’exiler de force, dans la dernière léproserie d’Europe. Elena parle des fenêtres masquées, des marécages et des feuillages qui cachent les visages hideux. Des roseaux qui emprisonnent l’amour et la vie. Sa mère comme un oisillon qui tombe trop vite du nid d’une Roumanie empreinte de prismes dess survivances et de quêtes d’identités.
Une Roumanie blessée dans sa chair qu’on aime de toutes nos forces.
Ce versant d’un récit filmique, est le plus intime, le plus proche des éclats de la féminité.
Ce livre qui s’assemble telles des poupées gigognes, est un parchemin lumineux car persévérant et exemplaire. C’est un tissage où l’être devient un emblème.
Une immersion qui fait saillir ce qui ne peut sombrer de par l’adversité. L’exil, les migrations, les ténacités, les traductions à la virgule près des tragédies humaines.
Ce livre fondamental est une fresque véritablement réaliste.
Cãtãlin Dorian Florescu, roumain, exilé en Suisse, dans une langue Babel encense la littérature européenne. Traduit depuis l’allemand par Élisabeth Landes. C’est un hymne alloué pour les siens.
« Nous sommes patients. Nous sommes peut-être les gens les plus patients du monde. »
L’apogée du renom. Publié par les majeures Éditions des Syrtes.
E. L.