Portrait du poète en salaud Nicolas Élias Éditions Les Argonautes éditeur

Portrait du poète en salaud

Nicolas Élias

Les Argonautes éditeur

D’une façon unique, originale, moderne, Nicolas Élias délivre un chef-d’œuvre extrême sur l’un des plus grands poètes turcs : Nâzim Hikmet.

Nicolas Élias enseigne la langue et la civilisation turque à l’institut national des langues et civilisations orientales à Paris.

Ce roman est également un outil des savoirs. Une référence pour les étudiants en littérature orientale.

À l’instar d’un palimpseste, la biographie cède la place à un premier roman tiré au cordeau, dans un rythme ordonné, minutieux et brillant.

« Ce Nâzim Hikmet qui agite le monde littéraire et la presse communiste:bientôt soixante et un ans, une santé minée par la prison, l’exil et la poésie. »

Un jeune écrivain rassemble l’épars. Il va rencontrer ce grand poète emblématique, vieillissant. Un jeu de miroir s’interpose. Subtil, à l’instar d’une immersion dans la réalité.

Nicolas Élias tend la main au narrateur. Il n’empêche ! On devine d’emblée qui se cache derrière l’ombre de ce jeune écrivain subjugué par cette figure emblématique.

Celle d’un homme convaincu, communiste, né à Salonique en 1902 et décédé à Moscou en 1963.

Fascinant , « Portrait du poète en salaud » porte bien son titre. Parfois critique, il perce cet homme au grand jour. Dans un jeu de lumière, il fait face au poète en vérité.

On ressent une proximité spéculative, magnétique et sincère. Des heures et des heures de rencontres, de reformulations, d’idiosyncrasies, de confidences.

« N’est-ce-pas lui qui a fait le choix de tremper les épaisses moustaches de Staline dans sa propre soupe ? Fêté qu’il était alors à Paris, n’aurait-il pas pu y trouver refuge ?  Je ne marche pas. Je n’en suis pas moins saisi tout entier par sa lecture, par sa voix .Lui, qui sera le fossoyeur esthétique, qui sonne comme un destin mais ne s’improvise pas. »

Le roman s’étire, une toile de maître doté d’un langage inné, qui touche le plein cœur d’un poète absolument intègre dans sa personnalité qui ne varie jamais. Quoique la vie blesse en lui ou abolisse en lui sa liberté de penser.

Écouter ses poèmes, comprendre le grincement des portes en fer, la prison mentale, une décennie, la douleur éternelle des convictions et de ses choix politiques et intimes.

La morale au paroxysme de ses engagements.

De l’Empire Ottoman à la guerre froide, Nâzim Hikmet de 1938 à 1950, était en prison, qui de Çankiri, Bursa, Istanbul. Lorsque Nâzim, dix-neuf ans, avec deux autres poètes, « sur un rafiot. » « Istanbul est un verrou. »

La poésie comme une résistance, un soulagement, un appel d’air, une preuve d’amour et de lamentations.

« Le géant aux yeux bleus comprit alors qu’aux amours gigantesques, elle ne sera pas même une tombe : la maison au jardin de chèvrefeuille. »

Nâzim est un homme éclairé, dans les noirceurs d’un enfermement, relit Dumi, Khayyam, Ghazali.

« Qui sait, si le sort ne nous avait séparés, peut-être ne serions-nous pas si proches. »

« Pour vous frères humains, tout est pour vous. »

« De la rive bulgare, Nâzim appelle désespérément son fils qui grandit sans père sur l’autre rivage. »

« La mer Noire roule ses flots, folle tristesse, mon fils, c’est toi que je hèle. Entends-tu ? Memet ! Memet ! »

« Portrait du poète en salaud » est dans cette capacité exhaustive et d’une rare intelligence.

Nicolas Élias délivre un roman de référence, d’une maîtrise absolue, pour tous les étudiants en littérature et les férus d’histoire culturelle européenne.

Cette fresque littéraire au titre manichéen et superbe, est un hommage pour un poète controversé, mais fidèle à ses convictions et à son libre-arbitre.

«À Istanbul aujourd’hui, ses poèmes sont partout. »

« Si tu ne peux en prendre soin, ne plante pas un arbre. »

En lice pour le prix littéraire de la librairie « Les jolis mots » de Vivonne (86).

Un livre remarquable, le piédestal d’une littérature européenne de haute voltige.

Publié par les majeures Éditions Les Argonautes éditeur.

E. L