Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
L'élégancedeslivres
Publicité
17 octobre 2023

Au sol Charlotte Milandri Éditions Équateurs

Éditions des Équateurs - Ouvrage

Au sol

Charlotte Milandri

Éditions Équateurs

Éditions des Équateurs - Ouvrage

Mon avis :

« Au sol », sombre et implacable, un orage violent, zébré d’éclairs et de turbulences. Le chaos d’une fragile, un roseau qui se courbe sous le vent des aspérités familiales et sociétales .

Ce livre, dès les premières pages est d’une telle force, qu’il ne laisse pas indemne. Écrire ainsi est une gageure.

Charlotte Milandri délivre un premier roman aux touches biographiques. Un rappel pavlovien, Claire est avocate comme Charlotte Milandri dans une autre vie. On ressent une mise en abîme paroxystique.

Une histoire contemporaine dont Carole Fives avec « Tenir jusqu’à l’aube » est gémellaire.

Un récit foudroyant qui nous colle à la peau et rend mal à l’aise par l’authenticité et la beauté du plausible.

Sans pathos, un scénario qui démontre une descente en enfer.

Claire est perdue. Claire est névrosée. Claire est le soleil couchant sur ses désirs de femme réalisée.

Elle a une charge mentale vive, oppressante. Elle aime son jeune fils, mais mal. Elle est un transfert d’incertitudes pour cet enfant. On ressent le gouffre des angoisses. Claire réfute son quotidien. Lasse des contraintes domestiques, des rituels d’une maisonnée qui est tirée au cordeau. Les fuites de son mari, égoïste, lisse, dont on éprouve aucun sentiment pour lui. Elle aime la peinture. La création d’un homme, en l’occurrence Jackson Pollock. L’écriture quasi chirurgicale, au scalpel est le passage obligé pour comprendre cette jeune femme fragile, en quête de ce qu’elle ignore. Ployée sous les affres, elle est sa propre muselière. L’étau se resserre.

« À détourner son regard des yeux tristes de sa mère. À lui faire croire que le ciel est à portée de main. À le gorger de cette odeur d’enfance. Sable. Gravier. Chocolat. À lui fabriquer un présent papier bulle.À tout faire pour qu’il ne se rende pas encore compte qu’il lui manquera des bras autour de lui. Plus tard. »

Claire est glaçante, effacée, mécanique. La folie heurte son front. Elle devient immanquablement le mimétisme des douleurs et des manques. Le Bovarysme est sa chapelle. « Tu deviens méprisante, Claire. À te murer, tu fais ta précieuse ridicule ».

La trame est un lac gelé qui se fissure. La traversée du miroir d’une jeune maman qui a perdu son écharpe dans le vent des soumissions et de ses espoirs les plus intimes. Elle ne sait pas. Elle n’a pas les codes de résistances et des faux-semblants.

« Au sol » à terre, le drap blanc d’un hôpital psychiatrique sur sa conscience.

On garde les mâchoires serrées. On ressent la perte et l’abandon de l’estime de soi. La peinture emblématique, le détournement du réel. Les fantasmes de l’autre rive qui emmurent son corps et son esprit. Claire est le radeau de Géricault.

Profondément humain, féminin, sincère et d’une prouesse qui élève Charlotte Milandri dans le rang des grands écrivains. Ce premier roman est d’une intégrité radicale.

Publié par les majeures Éditions Équateurs.

Publicité
Commentaires
L'élégancedeslivres
Publicité
Archives
Publicité
Publicité