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L'élégancedeslivres
4 mai 2024

Disparition inquiétante d'une femme de 56 ans Anne Plantagenet Éditions du Seuil

Disparition inquiétante d'une femme de 56 ans

Anne Plantagenet

Éditions du Seuil

Poignant, nécessaire, sans distance, « Disparition inquiétante d’une femme de 56 ans » est un cri dans la nuit noire.

Un témoignage au plus profond de la vérité. Journalistique, pétri de sentiments, de tendresse pour Letizia Storti qu’on aime d’emblée de toutes nos forces.

Anne Plantagenet rassemble l’épars. Elle, qui connaissait Letizia.

Plus qu’un hommage, ici, c’est un hymne à elles et ceux qui travaillent dans l’ombre. Ployés sous les diktats oppressants d’une hiérarchie étouffante et indifférente aux sorts des ouvriers (ères).

Letizia Storti était employée d’UPSA à Agen. Une entreprise pharmaceutique et ce depuis trente-six ans et élue Force Ouvrière.

Anne Plantagenet rencontre Letizia en 2017 sur un tournage « En Guerre » de Stéphane Brizé.

Elle veut apprendre de Letizia. Comprendre cette force qui se dégage de cette femme battante. Elle, qui joue quasiment son propre rôle dans le film. On ressent une émotion vive. Une mise en abîme des diktats des entreprises qui ne sont que des fourmilières d’êtres en péril. On est en plongée dans les séquences filmiques, comme si le maillage sociologique nous happait.

Anne et Letizia sont fusionnelles, complices et amies devenues. Anne est à l’œuvre de la mémoire. Elle veut retranscrire l’idiosyncrasie du monde du travail, Letizia plus qu’un point d’appui est, dans ce livre, l’écrin mémoriel.

Elle conte le parcours de vie de Letizia qui a un grand fils. Depuis ses dix-huit ans, trente-quatre ans dans un même poste, 5/13 heures une semaine, 13/21 heures la suivante, les mêmes gestes. Letizia est de mimétisme. Elle est la masse salariale. Elle est mécanique usée, mais garde la tête haute.

« Pour moi ça vient de là, le syndicalisme. Je dirais que c’est une réparation. Ça été une évidence, même si je me suis quand même protégée et j’ai attendu d’être titulaire. »

Letizia revit dans cet astre où la lumière sera écran, film et revendication.

Elle exprime les colères, les solidarités, l’union entre les ouvriers, le film devient vital et c’est une réussite.

Mais Letizia sombre. L’immense dépression. La chute d’Icare. L’oiseau blessé, elle est fragile et démunie. Dans l’usine, elle est un pion, et change de poste, accepte tout. Elle a besoin d’eau et de pain, de souffle et de vie. Mais elle se meurt.

Elle est noyée sous les affres des incompréhensions et des indifférences de la direction.

« Nous presser, nous presser, toujours nous presser, jusqu’à ce que l’entreprise se casse la gueule. Et quand elle se sera cassée la gueule, on fera quoi ? »

L’effet domino, les dépressions s’enchaînent, et les tentatives de suicide s’accélèrent.

Letizia est harcelée, encerclée par le mutisme des responsables.

N’oublions pas : « (Rappelons que, dans le cadre de la réforme du Code du travail, le CHSCT, Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, qui recueillait les dénonciations de harcèlement au travail, et dont était membre Letizia Storti à UPSA, l’un des rares contre-pouvoirs au sein des entreprises a veiller sur la santé des ouvriers, a été supprimé par les ordonnances Macron en septembre 2017). »

Letizia est en danger. Elle se jette, malgré ses nombreux signaux avant coureur, du troisième étage, sur le site d’UPSA, tôt le matin.

Sauvée, mais gravement blessée, la rééducation est un combat.

Jusqu’au jour où Letizia disparaît.

Où est-elle ?

Letizia est un emblème. Celui des faillites gouvernementales et sociétales. Une femme de 56 ans, piégée dans les griffes des entreprises dévoreuses d’humanité.

Une anonyme devenue, dans les méandres des souffrances abyssales. L'héroïne et une femme sublime, viscéralement inoubliable.

D’utilité publique. Publié par les majeures Éditions du Seuil.

 

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