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L'élégancedeslivres
15 janvier 2021

La Folie de ma mère Isabelle Flaten Le Nouvel Attila

Poignant, « La Folie de ma mère » est à l’instar de la lave d’un volcan qui jamais ne s’arrête. Un livre qui témoigne, ose, et bouscule tout entendement ; un livre confident, mots sur les maux. L’histoire d’une vie, de sentiments dans cette orée où les secrets lourds sont de la bouée collée sous les chaussures d’une petite fille qu’on aime de toutes nos forces. Sans pathos, jamais, des perce-neiges qui naissent sous le regain, l’écriture est myriade, profonde, dans ce noble où l’on écoute cette voix qui contre les années. L’hymne à la mère envers et contre tout. Et c’est ici que la dignité de la narratrice, sa force altière, son endurance aux plis sur ses robes métaphoriques dévorent les lignes. Cette contemporanéité d’un ton qui affirme (de nouveau) le culte d’écriture d’Isabelle Flaten. Rien, absolument rien n’est laissé sous le tapis. Isabelle Flaten scelle sa vie aux entrelacs des années qui ont forcé celle devenue : tenace, sincère et loyale malgré le poids des silences. Il y a dans ce livre la force des vents contraires qui font claquer les persiennes alourdies des souvenirs, évanescence, des étreintes floutées, cet appel qui subrepticement l’attire dans ce gouffre abyssal. On ressent un relationnel mère-fille atypique. Une mère dont la personnalité, le libre-arbitre, le déraisonnable, ce manque crucial et cruel d’amour pour cette enfant (grandissante au fil des pages) éveilleront les sens, la quête existentielle de la narratrice (Isabelle Flaten). C’est ici le socle de l’histoire, sa quintessence, sa raison d ‘être. Cette phrase durassienne « Tu me tues, tu me fais du bien. ». Une mère avant-gardiste, féministe, instable, tourmentée, avare de tendresse. « Tu es le professeur de la classe, et tu m’avertis instantanément : aucun privilège, prière de me vouvoyer et de t’appeler Madame en cours pour ne pas faire de différence avec les autres. Cela me semble impossible. À la maison étrangement, j’ai droit à une faveur. Aussitôt ma copie corrigée, ou mon bulletin rempli, tu me fais signe d’approcher d’un air complice et désignes ta remarque au bout de la feuille : devoir bien construit, écriture soignée, orthographe maîtrisée. Je rayonne. » Isabelle devine, intuitive, perspicace. « Avec grand-maman ne pas faire d’histoires pour rien, avec mamie être une enfant sage, avec toi ça dépend de l’endroit et de l’humeur. » Le plein de midi dans « La Folie de ma mère » est le jeu narratif. Cette délivrance juste perlée à l’instar d’une goutte de rosée sur une brindille d’herbe, résistante, mature, digne. Dire sans juger. Les bras ouverts malgré les contraintes de savoir l’orage s’engouffrer. Cette mère si étrange, si risquée, fissurée dont la fille est projection. Comment se construire dans les non-dits ? « Il y a des vantardises autour de la sœur et moi : « j’ai apporté la même chose pour chacune pour ne pas faire d’histoire. » ou « aucun privilège, ce sont les mêmes modèles, un en bleu, l’autre en rouge. » Un mot d’ordre connu de tous mais pas toujours facile à respecter. » « Petites, nous étions souvent distribuées chez nos grands-mères respectives pour les avances, elle chez grand-maman et moi chez mamie, comme si c’était naturel de renvoyer chacune aux siens le temps d’une parenthèse. » Ce livre est un tourbillon. Un cri dans la nuit. Il tisse le générationnel. La quête du père, de soi, l’hommage à la mère. On ressent les douleurs enfantines, tsunami dévastateur, cette petite fille aux abois, femme devenue voulant sauver sa mère d’elle-même, du piège de la folie. Ce livre des courages, de ce gris où la pluie perle est celui de l’initiation à la vie. Rassembler l’épars silencieux, le fantôme d’un père et se sentir enfin en cheminement. Magistral. A noter une première de couverture magnifique de Juliette Lemontey. Publié par les majeures Éditions Le Nouvel Attila.

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