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L'élégancedeslivres
1 novembre 2022

L'Archiviste Alexandra Koszelyk Éditions Aux forges de Vulcain

L'Archiviste | Aux forges de VulcainL

L'Archiviste

Alexandra Koszelyk

Éditions Aux forges de Vulcain

L'Archiviste | Aux forges de Vulcain

Mon avis :

Engagé «  L’Archiviste » est un récit d’une contemporanéité implacable.

« La nuit était tombée sur l’Ukraine ». L’impression d’être en transmutation dans ce pays en proie à la guerre. L’Histoire nous frôle, vivante et expressive, tourmentée, douloureuse et nécessaire.

On ne lit plus. On retient notre souffle, en pleine écoute d’Alexandra Koszelyk, pudique, altière et honorable. La fiction s’efface. Le symbole de la résistance prend place dans son summum. Ce livre est l’enjeu même du devoir de la littérature. Écrire pour signifier. Remettre d’équerre les faits. Dévoiler un roman, gémellaire de la réalité. Pouvoir hors norme, l’arme pacifique des bienfaiteurs de l’humanité. Ce livre est un témoignage au fronton des vérités.

K. c’est elle. L’héroïne de ce grand livre tremblant et ténébreux. Jeune femme archiviste, dévouée à la culture, à la rémanence, au mot à apprendre par cœur. Elle sait. Elle devine son implication en advenir. Dans les labyrinthes d’une bibliothèque, elle rassemble les textes, archiviste qui devine l’heure de protéger les livres, les cartographies, les myriades de mots, socle de l’Histoire de son pays dont elle devine être un mobile de destruction pour l’ennemi. Le temps est à l’hiver, sa mère est vieillissante, malade et alitée. Sans soins, ni hospitalisation, elle est vulnérable et fragile. K. veille sur elle et retourne dans son appartement après le passage du crépuscule. Elle lui cache la guerre, la disparition de la sœur de K., sa jumelle, Mila. Où est-elle ?

Un jour certain un homme frappe à la porte chez elle, l’Homme au chapeau.

Il exige d’elle de bousculer l’Histoire. De transformer les textes fondateurs, de détourner la littérature vouée à l’Ukraine. Déformer immanquablement les diktats et effacer la mémoire d’un peuple.

« Il ne s’agit pas de tout changer, vous l’aurez compris, mais seulement quelques parties, détourner quelques vers, mettre un mot à la place d’un autre, gommer un personnage sur un tableau, remplacer un chef d’État sur une photographie, détourner un objet folklorique de son usage premier. Vous voyez bien, ce n’est pas grand-chose ! Il ne s’agit même pas de destruction mais de réorganisation, voire de création ! De devenir l’autrice de cette nouveauté. »

« L’Homme au chapeau » glaçant et menaçant, puissant et lâche, va venir dans la bibliothèque sans y être convié, dans une démarche machiavélique et guerrière.

« Comment va votre pauvre mère ? »

K. pressent un homme de proie, vil et sans scrupules. Un homme machine, hideux et dangereux. « Depuis la venue de cet homme, le sommeil tardait à venir. »

K. va œuvrer. Affronter son bourreau dont les visites sournoises sont de surveillance, de pressions et de soumissions. Abattre l’éveil de K., détruire sa noble intelligence. Mais K. est intuitive, courageuse et loyale. Ses peurs se mutent en résistances. Une bataille entre elle et le bourreau s’enclenche. Il devine sa ténacité à sauver la mémoire de son peuple envers et contre tout. Les rencontres sont des menaces, des pions qui avancent et reculent. K. ne cède rien. Archive le sceau de son pays, bouge une syllabe et , « le dernier des cavaliers arriva, les autres l’encerclèrent et ils formèrent une troupe unie où chacun était un héros anonyme, comme ces essaims d’abeilles qu’aucune main ne peut séparer. »

La bibliothèque est de souterrains, de voûtes et d’immobilité, comme figée dans ses douleurs. La trame est un drapeau ukrainien flottant au vent des aspérités.  Kolodomor, Tchornobyl, Maïdan, trois mots à défigurer qu’elle refuse mentalement. Torture et violence, l’Homme au chapeau, monstre froid et dont les ordres sont des barbaries latentes et douloureuses pour K. Les chantages du bourreau envers K. sont des blessures infinies. Elle doit combattre les paroles assassines et la haute intelligence de son bourreau. Malgré tout elle continue, ne quitte plus la bibliothèque de grilles et de serrures, de méandres et de silences. Elle est vouée à sa patrie envers et contre tout. Le masque.

« K. regarde ses avant-bras : ses veines charriaient le mot liberté. »

Ce livre est un témoignage emblématique. Un devoir d’écriture, un hommage d’une beauté inouïe malgré ses souffrances. Il y a ici, dans ce roman (à peine), les larmes d’un pays : l’Ukraine. Et la preuve d’un peuple prêt à tous les défis et les sursauts pour survivre et ne rien céder aux envahisseurs. « L’Archiviste » est poignant, crucial, « comme une œuvre totale dont la palette répond aux roulements du train, les deux se tiennent et se répondent. »

Le pouvoir de la littérature en apogée. Un livre des résistances. Publié par les majeures Éditions Aux forges de Vulcain.

 

 

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