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L'élégancedeslivres
16 janvier 2023

Le Sorcier Blanc Mathieu Vivion Éditions du Panseur

12 - Le Sorcier Blanc

Le Sorcier Blanc

Mathieu Vivion

Éditions du Panseur

12 - Le Sorcier Blanc

Mon avis :

« Les gens qui ne disent jamais rien, on croit juste qu’ils veulent comprendre, mais souvent, tu ne sais pas, je me taisais pour donner l’exemple. 

« Juste la fin du monde » Jean-Luc Lagarce. Éditions Les solitaires intempestifs.

 

Qu’on se le dise, « Le Sorcier Blanc » est le génie littéraire. Un livre précieux dont il faudra prendre soin à jamais. Un roman dont la sonorité spéculative ne vous quittera jamais. Un récit virtuose du verbe, vertigineux, l’éclat de notre humanité tremblante de pluie. Un chef-d’œuvre, cercle infini des mansuétudes.

« C’était le soir et c’était le matin, c’était même toutes les minutes d’un après-midi quelconque et sans fin… C’était surtout d’autres enfants qui jouaient, là, sur un bout de rue maquillée à la craie. »

Un terrain de foot, triangle d’un village, entre poussières et chaleur oppressante, l’arc-en-ciel cosmopolite. Ils jouent, défient leurs souffrances. Gosses aux jambes fines, la sueur, perles de ténacité sur les fronts vaillants. L’équipe soudée, tous pour un, un pour tous, l’exemplarité, corde à nœud et le cœur vaste de cet amour inné.

Ouagadougou, le rêve étoilé, atteindre la voie d’or, la finitude des frontières barbelées. Être reconnus et célébrés, tel est l’adage. Ces jeunes poulbots, affamés pour beaucoup (surtout le petit Espagnol qu’on aime de toutes nos forces ). Pauvres mais une sphère de jeu universelle. Endurants, persistants, la parole est donnée.

« Qui t’a fait ça ? Les cicatrices, partout, sur ton visage. Qui t’a fait ça ? -Les mauvais joueurs. »

Toutes les nationalités confondues sont de concorde. Enfants liés par l’anonymat. Réfugiés, oisillons tombés du nid, volontaires, atteindre le sésame, le passeport, le Graal d’un voyage sans retour. Le cercle des mois tourne, pavlovien et perfectible. Jusqu’au jour d’ombre et de gouffre, où le Sorcier Blanc annonce son aura malsaine, son sourire de hyène, la blancheur sournoise et ses gourmettes qui brillent, reflet de métal sur un terrain emblématique. Il regarde ces gosses déambuler dans un jeu gorgé de sentiments et de solidarité. Il bouscule la rectitude du groupe. Il insiste dans son mépris de séparation destructrice. Violent, froid, sanguinaire, le symbole du mal. Le Burkinabé, le soleil de ce grand livre, qui a perdu son prénom au fronton des désespérances. Pourtant, le village qui l’accueille semble sourire à son innocence, sa pureté, son désir de grandir en dribblant.

« Dire sa famille, clamer le clan et risquer tout à coup que ces mots se dissolvent aussitôt. Regretter un instant d’avoir assumé un sentiment d’amour, d’en avoir fait la préemption. »

Mais Le Sorcier Blanc est advenu. Les deux frères, l’Espagnol, le Burkinabé, lianes siamoises, comprennent. Le Sorcier Blanc, manichéen, va devenir la hache à couper l’enfance. Les fécondités de tendresse, les fureurs de ces garçons, leurs noblesses désarçonnées. L’effroi et la jouissance d’un Sorcier Blanc, métaphore de notre monde, dont les traits de caractère sont le racisme, les inégalités, les réfugiés, les égarés, radeau de Géricault sur les poussières d’un stade emblématique.

« Les gamins ont couru en tous sens, évitant tous les dangers. Ils s’étaient dispersés à la croisé des chemins qui menaient aux villages voisins…. La nuit semblait répondre à leur place. »

Ce livre est le piédestal de la littérature. On pleure et l’on berce ces enfants perdus dans les limbes des mépris. On étreint la trame engagée, intense et triste, poétique, sublime et si lumineuse . C’est un murmure, un bruit sourd, un cri dans la nuit chaude d’Ougadougou. L’empathie stupéfiante de Mathieu Vivion qui sait conjuguer le mot fraternité. La magnanimité (une des plus belles qualités humaines) reconnue entre les lignes qui sait le chemin de la vérité et de l’urgence des dires. Ici tout est plausible. Ce serait comme une fable Manifeste. Le microcosme politique et social de notre monde. La beauté douloureuse d’un texte de renom. Un séisme mental, une incantation. Comme l’exprime si bien Mathieu Vivion, un humaniste , une belle personne, un auteur d’une grande humilité : «  S’il tombe, ce sera pour mieux retourner le monde. » Publié par les majeures Éditions Du Panseur.

 

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