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L'élégancedeslivres
10 mars 2023

Le Petit roi Mathieu Belezi Éditions Le Tripode

Le Petit roi |

Le Petit roi

Mathieu Belezi

Éditions Le Tripode

Le Petit roi |

Mon avis :

Prodigieux, l’immensité-diapason, d’ombre et de lumière, déchirant et fondamental, la vertu existentielle d’un grand-père aimant, « Le Petit roi » qu’on aime de toutes nos forces.

Si beau que l’on pleure. Si triste que nos bras enserrent les paroles de cet enfant qui gravite dans ce récit déchirant et sublime.

Stylistiquement irrésistible, poétique, grave, l’aérien comme une vague qui se cogne sur les rochers. On ressent la nature comme un habitacle, un huis-clos, l’encre de ce texte grandiose, fin et ample, léger et résistant.

L’acuité pudique et noble, qui trace dans une douceur de ton, la finesse des traits de ce petit garçon d’à peine douze ans, Mathieu, déposé chez Papé en pleine campagne par sa mère partie en Andalousie.

« C’est dans cette étreinte de bal que commence l’idée de mon existence… C’est un soir d’août, roussi de chaleur, qui donne envie de pleurer… Ici les ciels sont écurés par un mistral qui n’a pas la main légère… Qu’ai-je fait pour mériter cet exil ?… L’éclat du jour m’aveugle ».

Ce petit poulbot, l’incertitude aux abois, le cœur tourbillonnant dans le méconnu, se jette contre Papé comme le pain pour la faim et l’eau pour la soif. Mains dans les cheveux lisses de l’enfant, les cigales annonciatrices d’une tendresse prête à éclore, enfin. Un peu, beaucoup, passionnément. Lui, qui a vécu la férocité des parents, violence conjugale, le mépris qui fissure les murs. Les mots fracassés sur le sol, porcelaine brisée, les paroles avortées avant le jour. Un jeu de massacres et de déchirures abyssales. Ce petit oisillon pris en otage dans une histoire de grandes personnes. Le seul témoin de ce naufrage annoncé. Le radeau de Géricault, le désespoir absolu. Le refuge-bergerie, tout recommencer, en mieux, en vaste. La plénitude des silences, connivence.

Papé, l’inaugurale bonté, le charme fou des sages d’antan, des paysans des lumières, le lait frais bu dans le petit matin, la chaleur lovée sous les tuiles. Les gestes comme des prières . « La tendresse de ces yeux lavés, de ces mains qui tremblent, comblent jour après jour le vide laissé par ceux qui m’oublient ».

Les heures théologales, l’enfant sur la marche de l’amour. La quiétude d’une stabilité. « Je lui donne la main ».

Et pourtant les pensées sont des pavloviennes rencontres avec sa mère. Ses cartes postales de palmiers et de sérénité sont avalées par les flammes dans la cheminée. Il y en au plus profond de cet enfant-écueil, les violences enfouies, les images inoubliables, lacérées, d’un antre à l’agonie. Le combat et un corps à corps avec lui-même. Tant d’épreuves sur ses frêles épaules.

Et s’élève l’aurore boréale d’un amour infini d’un grand-père pour son petit-fils.

« Devant la cheminée il y a mon cadeau de Noël : un vélo demi-course bleu et blanc. Je n’ai jamais su où il avait trouvé l’argent nécessaire à cet achat. Il était pauvre ».

Les rituels dans cette ferme sont régénérants, constants, magnanimes, et répondent à l’écho d’un Petit roi en quête de pain. Lui qui en silence, écrase sous ses pieds, les souffrances marée-haute. Il est confronté à l’énigme de la vie qui ne lui a laissé que le rocher de Sisyphe.

« La nuit est venue du bout du monde. Elle a tout pris… N’est coupable que celui qui veut l’être ».

Livre absolu, un grand-père matrice maternante, le lien fusionnel, l’évidence et le vertige. Les jachères fleuries, la neige lourde et divine sur le toit d’un royaume. On arpente ce chef-d’œuvre en larmes et sourires. Le moment-clef où nous pourrons nous aussi étreindre cet enfant de la nuit. Le feu de St Jean d’un livre viatique et tremblant de pluie et de lumière.

« Puis avec son couteau il pèle une pomme, la coupe en quartiers, me l’offre ».

Le geste fraternel, la transmission souveraine, le jus sucré de l’amour. Après « Attaquer la terre et le soleil » Prix littéraire du Monde 2022, « Le Petit roi » de Mathieu Belezi  est l’excellence de la littérature. Publié par les majeures Éditions Le Tripode.

 

 

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