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L'élégancedeslivres
8 avril 2023

J'avais peur que nos morts soient là Nathalie Constans Éditions du Chemin de fer

J'avais peur que les morts soient là - Nathalie Constans

J'avais peur que nos morts soient là

Nathalie Constans

Éditions du Chemin de fer

Original, étrange, captivant, la somme de la curiosité. « J’avais peur que les morts soient là » est un chef-d’œuvre. Véritablement, comme le bandeau l’exprime « c’est quoi ce truc de fou ? ».

Quel livre, mais quel livre !

Un fameux pas de côté éditorial. L’exigence de la littérature. Qu’importe si le lecteur (trice) peut être dérouté (ée). Le but de ce livre finement politique aux nombreux signaux est une satire presque révolutionnaire. Essentialiste, c’est le manège de la vie.

La violence en apogée, l’essence même des démons de l’humanité.

Nathalie Constans est douée, très. Elle poursuit avec ce récit, le point virgule de « Je ne suis pas la bête à manger » précédent ouvrage édité également par les Éditions Du Chemin de fer.

Difficile de faire une chronique. Car ce livre est en de ça. Métaphysique, fantastique, à l’instar d’un conte gothique, fusionnel.

L’écriture est une ode. Une jachère fleurie. Qu’importe les zombis. Ils sont un symbole, celui de nos ombres, de nos torpeurs, de nos trahisons. N’oublions pas, « l’homme est un loup pour l’homme ». Ils sont nos travers. Mais la poésie sublime remporte la palme. Il y a toujours un edelweiss à flanc de rocher. Les avertissements vifs des turbulences de notre humanité. Le mal face au bien. La valeureuse trame dont on aime la puissance philosophique, intrinsèque, douloureuse parfois. Mais ce livre est rare, donc précieux.

« Il retrace l’histoire. Il dit le chaos d’avant la Cité, la mort et la souffrance, l’injustice, la faim et la misère. La violence. Il dit le lien vivant, végétal, foisonnant et rieur, jailli depuis de l’architecture de tous pour tous. Il dit le lien sacré . Et soudain la tuerie. Elle est sèche, inouïe. Elle se plante d’un seul coup dans la parole de l’orateur. Des cris épouvantés. Elle dure ».

Serait-ce la rémanence du Bataclan et de cette jeunesse fauchée en plein vol par les zombis épris de haine et de sang ?

L’histoire s’efface. Tout va devenir une parabole. L’idiosyncrasie dans une Cité gémellaire de notre monde.

C’est une lecture hors piste, cruciale. Notre civilisation pénètre le labyrinthe de ce texte où la société semble la nôtre mais floutée, déformée. Aucune issue de sortie avant d’apprendre qu’il y aura encore des hommes debout dans une symbiose de fraternité et de soulagement. C’est ainsi que je ressens ce texte. « Apprendre à toujours se méfier » à l’instar de Prosper Mérimée.

« De ces faisceaux, personne ne connaît l’origine. Ils sont là. Parfois, selon une périodicité indéfinissable, les figures de lumière se résolvent en prismes chamarrés et jaillissants sur les murs. C’est alors un spectacle enthousiasmant. Vaste cathédrale baignée de lueurs, temple des temps, berceau des lunes pleines ».

Marceau cantonnier des villes, « -Oui d’accord, mais il doit y avoir une suite. C’est mon nom. Je suis de l’assistance, moi, ma famille, c’est la Cité. C’est là que je suis né. C’est là qu’on m’a laissé. Y a pas de pré. C’est pour ça que j’ai été tellement content de pouvoir m’occuper des pars et jardins à l’empierrement de ma famille. Là, regardez, regardez bon sang, c’est là que je suis né ».

« Alors je regarde. Je trouve la Représentation, je trouve la Grand-place commune, je trouve le fleuve-frontière. Il a fait une reproduction exacte de la Cité. Et l’a signée là où il a été abandonné. Il ne sait ni lire ni écrire ».

Parabole,  serait-ce notre Cité, notre monde qui s’effondre ?

Le capitalisme à outrance, le terrorisme, le racisme, la violence dans sa plus vive expression, les dénonciations à peine voilées.

Ce livre est une apothéose. L’utopie et le rêve-regard. Roman construit au scalpel, saison après saison, Nomos, historien second : « Elles disent porter l’histoire sur leurs épaules comme Atlas la voûte céleste. Le monde est si lourd qu’il les écrase, perpétuellement. Depuis toujours elles sont en dessous. Il y a du verre, disent-elles. Un plafond. Leur nuque y est collée. C’est là que viennent les choses, de leur nuque affaissée…. Je me tais. J’ai le dos large. Il faut tout réécrire. Le lien entre elles est ondoyant et paisible, fluide et changeant. Il se matérialise dans l’alvéole comme un envers de filaments. Un antidote. Une cordée. »

Marceau, bâtisseur, l’hédonisme et la perfection. Retranscrire les colonnes qui façonnent l’humanité. Tout est réalisable dans ce roman, dont l’ésotérisme est la carte maîtresse. Terminer la grotte matrice, la Cité au nombre d’or. Avant la fin du monde, le bord du gouffre. « j’ai des enfants plein les bras ».

Ce livre est une apothéose. La certitude de nos arrogances. Le point d’appui. Un livre qui pointe du doigt là où ça fait mal. Éther, Spé, Marceau, Bison et Omos. Une communauté Babel et l’orgue de la résistance.

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