Que notre joie demeure Kevin Lambert Éditions Le Nouvel Attila

Que notre joie demeure 

Kevin Lambert

L'artiste de couverture : Basile Di Manski

Éditions Le Nouvel Attila

Mon avis :

Un socle architectural fabuleux. Ce troisième roman de Kevin Lambert est la clef de voûte.

Un livre inestimable, pierre après pierre, le liant coopère. La réussite est de se dire : « Que notre joie demeure ». C’est un édifice qui résistera au temps.

« Que notre joie demeure », plus qu’un titre, le fil rouge de ce récit.

Garder son libre-arbitre. Rester maître de soi. La flamme de la joie en toutes circonstances. La joie de bâtir, de créer, d’affronter les et ses démons. La joie désespérante des riches et des nantis, des habitués au luxe, à mille mille de toutes frustrations. La joie d’être au-dessus de la mêlée. La joie de la vertu.

Cet adage est précieux et œuvre à l’histoire puissamment sociétale. Dans une manichéenne posture, d’ombre et de lumière, où les faux-semblants n’ont aucune prise.

L’écriture est un modèle. On aime sentir le choix des mots. Cette capacité qui dévore le lecteur (trice).

Nous sommes dans un futur classique. La trame donne les plans. Point d’appui d’un roman finement politique, sociologique, engagé et profondément humain.

Céline Wachowski est architecte. Réputée, millionnaire, connue dans le monde entier. Elle est la parabole d’un succès professionnel et personnel. Des contrats aux enjeux abyssaux. Elle va transformer Montréal. L’éthique du meilleur, du plus beau, malgré les dégâts collatéraux. Elle mène sa société, une P.D.G avec une main de fer dans un gant de velours. Elle est une dirigeante infaillible et une maîtresse-femme. Mais ses fragilités et ses prises de risques vont se retourner contre elle. Elle est l’emblème même d’un monde capitaliste. Une cabale est lancée. Blackboulée par les actionnaires, elle est en chute libre. Les meilleurs amis d’hier deviennent ses ennemis. Les médias dénoncent. La fureur gronde. Ce pourrait être que justice, mais non. Kevin Lambert dresse le portrait d’une femme dont l’enfance était de quête et de faim. Une architecte prise au piège d’une tarentule. Une chasse à la sorcière par ses pairs et le monde entier. Elle observe les manifestations. Déstabilisée par cette chute libre, elle est le bouc-émissaire. Les vautours planent. La gentrification, tous les diktats d’une société sont démontés dans ce récit puissamment éclairant. Elle est prise de doute. Ses amis fuient. Comment va-t-elle se relever ? Elle, qui a fait démolir des immeubles où les plus pauvres vivaient. Cacher la misère sous les gravats. Le récit est le microcosme de ce qui agite le monde et force aux changements. L’architecture est décortiquée dans ses moindres arcades. On ressent sa force et son emprise sur la vie de tous. Les architectures emblématiques de nos passions jusqu’aux folies. Céline est un emblème, elle est perfectible. Comprendre que le succès est le complexe de l’Albatros. Les loups sont aux abois. Céline est sensible, tenace, pragmatique (parfois). D’une chute d’Icare elle va se relever. Affronter tel le rocher de Sisyphe, son changement de cap. « Que notre joie demeure »,qu’elle demeure, oui, que les cœurs en joie de quinze hommes et de quinze femmes épuisent l’hiver de notre mécontentement... ». C’est un livre grave et d’une intelligence inouïe. C’est un outil pour les étudiants en Architecture. Il déploie avec une connaissance extrême un monde méconnu du grand public. Céline pense : « Il a voulu préserver la joie du soir ».

Les signaux vifs, les sentiments humains comme une intransigeance envers soi-même. « Céline lève les yeux, les enfants suivent, attendent la suite. Elle continue...Petit, avec ta question, tu es plus savant que moi avec toutes mes réponses ».

Une femme puissante, à la capacité d’amour géante. Céline est l’architecture de ce livre, les fondations des murs porteurs. « Que notre joie demeure » est un livre de salut. Une place nouvelle et l’architecture dans son summum. Ce livre pointe aussi du doigt là où ça fait mal. C’est un livre tiré au cordeau. Le plan parfait. Publié par les majeures Éditions Le Nouvel Attila.