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L'élégancedeslivres
10 avril 2024

Dans le battant des lames Vincent Constantin Éditions du Panseur

Dans le battant des lames

Vincent Constantin

Les Éditions du Panseur

 

Crépusculaire, insulaire, d’écueils et de ressacs, « Dans le battant des lames » est poignant et d’une haute contemporanéité.

Tout pourrait prétendre, ici, au confinement des épreuves et du désespoir. Résistant, le récit est empreint de dualité.

C’est une plongée au cœur même de l’enfance. Ce qu’elle arrime par le renoncement parental. Les chocs intimes, lames de fond et les conséquences à vie pour ces enfants violemment chahutés.

La Réunion élève ses couleurs océanes et édéniques. La chaleur dans les chemins, les plages paradisiaques, les cirques sauvages à l’instar du regard au plus près des hostilités enfouies. Le sacrifice et le mimétisme avec l’âme humaine.

La trame est l’île en puissance. Les mots et les actes ne cèdent rien au décorum, dans le battant des lames.

L’histoire s’emboîte à l’instar de poupées gigognes. C’est une mise en abîme vive et rude, âpre et dans un même tempo, le corpus psychologique ne fait pas semblant avec la réalité.

La choralité est d’acuité, dévorante et sublime de quête et de désirs. L’île et les personnages sont liés. Tout passe par les habitus, l’idiosyncrasie, et les torpeurs enfantines semblables à un tsunami. Un corps à corps avec ce lieu, dont les existences sont des fresques d’infinies douleurs.

Irina a douze ans. Déjà fissurée et otage de ses parents séparés. Sa chambre rose et ses jouets n’apaisent en rien ses meurtrissures. Elle vit avec sa mère. Elle est en cinquième, coquille repliée sous les affres d’une nuit infinie. Elle va sombrer dans une relation avec Herivélo, un jeune homme de dix-sept ans. Il va profiter de la candeur et la vulnérabilité de cette fillette.

« La lune roule sa clarté dans mes larmes, mon nounours me serre fort. »

sa mère les surprend. Elle devient une furie. Elle frappe sa fille.

« Elle me file un parpaing en pleine bouche ! Je m’étale par terre, elle m’envoie des coups de latte aux côtes, au visage. »

Sa chambre rose est ensanglantée. De tempête, de lames de fond, la porte claque. Elle est reniée, comme le démon devenue. L’exutoire d’une mère mal aimante.

Enceinte, Irina est recueillie par son père. Ce dernier vit dans l’autre versant. Un paysage sévère et imprévisible, de boue et d’endurance. Elle met au monde son enfant : Hérivélo (2). Comme on joue à la poupée, ( soit les cheveux tirés, soit inondée d’amour ).

Manichéenne, dans le battant des lames, elle navigue entre les flots d’une mère devenue envers et contre tout. Son petit garçon est le bouc-émissaire de l’enfance de sa mère, ravagée et égarée entre les vagues. Cette jeune maman veut s’émanciper. Dans l’aube de ses dix-sept ans, elle va travailler dans le salon de coiffure d’Irène ( l’épouse de son oncle). Elle va se lier d’amitié avec Ikala, sept ans, la fille de cette dernière.

Irène est battue par son mari. L’enfant bouclier Ikala, ne peut pas, la dernière nuit être le contre-feu. Le féminicide est le battant des lames.

Hérivélo grandit dans cette orée où sa mère, femme-enfant, est son double cornélien, comme une sœur, sans l’inceste mis au grand jour.

Comme touchés par la grâce d’une connivence des existences incendiées. Hérivélo conte, l’enfant-homme sublime et terrifié par le débordement des eaux.

« J’aimais pas Tsilavina, mais il m’a abordé à la tendresse. Dans ses yeux, y avait la mer et du corail couleur arc-en-ciel. »

Ces êtres en péril sont le macrocosme des drames et des faillites. Les généalogies noyées. Des bateaux en perdition sur la pleine mer périlleuse et intestine.

L’écriture de Vincent Constantin est un palais d’honneur.

« - Tu dis que tes souvenirs sont lourds, trop lourds. Le poids de tes souvenirs est un adversaire digne d’estime. »

« Mon premier marque la limite de mon paradis d’enfant. Herivelo c’est la fin de mon enfance, celui qui a sonné le départ pour que je quitte ma chambre rose. »

Les sentiments, les explosions des drames, l’ambiguïté sauvage à l’instar d’un trou noir sur les normalités. Cercle où déambulent les obsessions d’amour, le halo des enfances ravagées.

Ce premier roman qui dépasse largement ses grands-frères est un choc de lecture.

Déchirant, fondamental, vertigineux, « Dans le battant des lames » d’un grand tourbillon littéraire.

Publié par les majeures Éditions du Panseur.

E. L. 

 

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