Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
L'élégancedeslivres
2 avril 2024

Le Slynx Tatiana Tolstoï Traduit du russe par Christophe Glogowski Éditions Les Argonautes

Le Slynx

Tatiana Tolstoï

Traduit du russe par Christophe Glogowski

Éditions Les Argonautes

Un chef-d’œuvre ! Une gageure éditoriale !

Atypique, original, il est dans la cour des grands.

La Russie dans une satire où l’histoire des hommes s’avère d’une implacable cruauté.

Mais le ton bercé d’humour et de dérision emporte la palme.

Une volonté intrinsèque de sarcasme, une succession de symboles avec un déterminisme d’une haute clairvoyance. Comme une connivence entre Tatiana Tolstoï et un langage juste né.

On ressent d’emblée un halo engagé et l’arrogance des humains est mise à mal.

Ici, tout est étrange, hors du commun, hypnotique.

La fiction souveraine, rare, comique et irrésistible. Un grand tourbillon linguistique qui happe et sidère par sa portée fabuleuse.

La littérature contemporaine, aux ramifications superbes et multiples.

Magnétique, solaire, on pourrait presque penser à un conte, une légende qui remue les limites de la réalité. Sauf qu’ici, c’est le chant métaphorique, les paraboles, et les signaux qui forgent ce microcosme.

Moscou lève son voile dans une prononciation hors du temps, dans un entre monde où les livres sont interdits. Un autodafé psychologique. La dictature qui contre les intelligences. Une Russie en déliquescence. Un retour dans un monde en perdition de lui-même. L’ignorance et la bêtise, le constat des vulnérabilités humaines.

Devenus des bêtes, l’annihilation dans un quotidien où le grotesque prend assise.

« Le Slynx » est un récit caustique. Le totalitarisme pointé du doigt. L’écriture comme une parole floutée. Tout se passe dans la signification d’un troisième degré de lecture. L’heure haute, judicieusement politique et lucide.

Benedikt est le scribe du gouvernement. Il reproduit des poèmes, dictés par le tyran Fiodor Kauzmitch. Des vers qui semblent ceux que l’on a dans nos armoires littéraires, gardés précieusement, tels Pouchkine, Maïakovski, etc. L’enjeu ultime comme une intransigeance à l’encontre de notre contemporanéité.

« Le Slynx » dont « sa griffe fouille les chairs… Et le bonhomme se trouve vidé de toute sa raison. »

L’imaginaire comme une porte noire ouverte sur les consciences. Nous sommes véritablement en transmutation dans une œuvre visionnaire. La fulgurance du syndrome totalitaire. Comme un miroir qui déforme l’apparence. Le récit est l’immensité du monde et du mal.

L’incontestable réussite d’une fiction qui donne de la hauteur à l’art et bouge les codes du bien pensant.

La vigueur d’une trame burlesque, complètement déjantée. L’emblème de nos échecs, des faillites d’oppressions. Une Russie dont il faut mettre un déguisement pour échapper à la censure. Ici, c’est la tension d’un récit à double sens qui attise les flammes.

La belle inventivité d’une plume surdouée qui a polie un texte d’autodérision. Ce récit fantastique, sardonique proclame la gageure créatrice.

« Vassiouk-les-Oreilles écarta les coudes, oyant anxieusement dans son coin : est-ce que Benedikt déclamait tout comme il convient, est-ce que tout était conforme à l’Oukase… »

« … Pour la finesse, je me débrouille… Mais où avez-vous appris comment il est, mon poutentiel ? »

« Si je comprends bien, cela non plus, ce n’est point Fiodor Kouzmitch, gloire à lui, qui l’a écrit ? - Probablement non. - Alors qui ? - Je l’ignore… Il faut le demander aux Anciens. »

« Le Slynx » bouscule nos approches. Dans le sombre d’une altitude de réflexions, il est une valeur inestimable. Comme l’exprime l’éditrice Katharina Loix van Hooff. « Il est le fruit de quatorze ans de travail, il fut hautement attendu par le milieu intellectuel russe. »

L’anticipation au garde à vous, ce livre est le rayonnement d’une littérature rare.

Tatiana Tolstoï est issue de la grande famille des Tolstoï. Reconnue et célébrée comme une autrice culte. Ce livre arpente le champ littéraire comme jamais au préalable.

Traduit du russe par Christophe Glogowski. Saluons ce travail de traduction remarquable tant les formes sont variées et le rythme comme un vent qui se soulève et bouscule les mots et les phrases et les dialectes comme des messages à double sens.

Ici, c’est l’œuvre d’une décennie.

Voici le premier livre d’une collection au bel avenir : « L’Européenne » Les grandes traductions du continent. Publié par les majeures Éditions Les Argonautes.

E. L. 

 

 

 

Publicité
Publicité
Commentaires
L'élégancedeslivres
Publicité
Archives
Publicité