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L'élégancedeslivres
25 janvier 2023

Y avait-il des limites si oui je les ai franchies mais c'était par amour ok Michelle Lapierre-Dallaire

Y avait-il des limites si oui je les ai franchies mais c'était par amour ok - 1

Y avait-il des limites si oui je les ai franchies mais c'était par amour ok

Michelle Lapierre-Dallaire

Éditions Le Nouvel Attila

Y avait-il des limites si oui je les ai franchies mais c'était par amour ok - 1

Mon avis :

« Tout a commencé quand ma mère est morte ».

Comment résister aux graines de la grenade si juteuse qui éclate dans nos mains ? Cette parabole sur la couverture qui annonce une valeur sûre.

Certes c’est un choc littéraire, mais il régénère nos regards et nos interpellations. C’est un pas de côté éditorial courageux, vertigineux, nécessaire et convaincu.

Sans fioritures, implacable, dévoué aux dires, ce livre comble le vide et ose. Ce témoignage devrait se trouver en urgence dans tous les CDI, les lieux où gravite la jeunesse.

Michelle Lapierre-Dallaire, c’est elle, le plein de ce livre.

L’écriture est une noria d’oiseaux noirs en plein vol. Délivrances sans pathos, les cheveux devant les yeux et le corps qui se retrouve à contre sens. Ici, tout est vrai.

« je prends cette photo avec l’énergie du désespoir, celle qui vient quand la douceur est suffocante, quand on donnerait tout, même trop, pour garder la beauté qu’on a une fois touchée… J’entre dans la chambre comme une bourrasque… Des petites fleurs brillantes reprenaient leurs droits sur mes champs de mine ».

Marie Lapierre-Dallaire est une jeune femme dont l’enfance fût un chaos. Inceste, mère as de cœur ou de pique, un beau-père qui confond une petite fille de 5 ans avec une femme majeure. L’horreur au garde-à-vous prête à mordre de nouveau comme un chien méchant. Les crocs sont des caresses cauchemardesques et plus encore. Michelle Lapierre-Dallaire s’affronte. Provoque les défis, cherche le paroxysme de la jouissance. Sans tabous, avec cette admirable liberté. Elle aime, exclusive, entière, malheureuse comme la pierre.

« On cherche du monde pour nous abandonner, parce que c’est tout ce qu’on connaît, être abandonné. C’est le seul sentiment réconfortant dans lequel on sait agir: se battre pour être voulu et gardé ».

Le corps, cartographie lacérée au scalpel. S’abandonner dans les ressacs, quand bien même les cruautés. Elle est en advenir. L’architecture torturée, elle qui aimait sa mère au-delà de tout entendement. La fusion, lave de volcan.

« Mon corps, c’est mon seul barrage contre moi-même. Même s’il est peu fiable, c’est le seul. C’est pour ça que j’offre toujours à tout le monde de baiser… Ma mère faisait plus d’erreurs que le monde pouvait en supporter… Ma mère n’est pas devenue folle du jour au lendemain ».

Passation, comment cette jeune femme peut-elle renaître virginale et cardinale ? L’identité massacrée, les violences assignées dans le huis-clos des antres, où la masculinité est déviante . Elle est pourtant lumineuse, intègre, loyale et libre si libre. En pleine conscience malgré les plein phares qui éblouissent. La narratrice conte sa mère, cherche l’écueil où logeait la proie, les intestines malfaçons, un mal gémellaire au sien.

« j’ai cherché une explication à son manque de ressources. J’ai voulu trouver un coupable, l’homme qui l’aurait détraquée à l’adolescence, qui aurait sali de barbouillages noirs son cœur d’enfant ».

Elle écrit pour elle et nous, entre tout ce qui fait éclater son âme en mille morceaux, la drogue, les soumissions, les viols et les emprises, et sa foi en l’amour.

« Quelqu’un avait fucké ma mère et ma mère m’avait fuckée… Sauf que ma mère conservait une espèce de grâce dans sa déchéance. C’est là où elle me battait. »

Retenir de ce livre, cette liberté de parole. L’exécution au cordeau de cette vie chaotique, rebelle. Femme recroquevillée comme un fœtus. Le sang coule. Les rémanences étincellent. Elles font tomber des étoiles sur la trame.

« Cinq ans- Ma boîte à lunch des « 101 Dalmatiens » est ouverte devant moi et je ne suis pas capable de retenir mes larmes… mais c’est plus fort que moi, mes larmes coulent, dégouttent sur les petits dalmatiens ».

Elle qui regarde une photo, une petite fille blonde, « entre les sourcils froncés, une première ride. La plus vieille ride du monde. »

Offrir à l’homme, les révoltes, l’absolu d’un acte éreintant, rebelle et cruel. Il m’a dit « t’es belle » et j’ai entendu « t’es morte » ».

Ce texte politique (car oui), humain, profondément humain, intime et confiant en notre écoute, est un murmure, un bruit sourd. Un livre intègre, un plaidoyer à déposer au fronton des cœurs. Il faut être attentif au passage des exutoires des souffrances de cette enfant, femme, mère et mère. Couper le cordon ombilical, les tragédies traversées, draps froissés et griffures sur le dos. La liberté de vivre en pleine conscience, même si.

Ce serait comme une larme sociétale, engagée et féministe. Un hymne à la mère. Un livre socle, « en contemplant notre chef-d’œuvre de destruction, on verra bien qui l’a, le Soleil ».

Offrez-le aux jeunes gens grandissants entre les murs des écoles. Il est encore temps.

Une œuvre magistrale, la littérature éminente car oui, « Y avait-il des limites si oui je les ai franchies mais c’était par amour ok». Prenez chacune des lettres entre vos mains et vous comprendrez.

Un titre manifeste, qui ne laisse pas indemne et c’est bien ainsi. L’acuité vaillante qui résonne encore bien après le point final et laisse le jus sucré de la grenade se métamorphoser. Publié par les majeures Éditions Le Nouvel Attila

 

 

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