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L'élégancedeslivres
21 avril 2024

De neige et de vent Sébastien Vidal Éditions Le Mot et le reste

De neige et de vent

Sébastien Vidal

Éditions Le Mot et le reste

« De neige et de vent », crépusculaire, vertigineux, dans les boucles d’une nature indomptée, hivernale, d’une beauté surprenante. C’est un roman sidérant de maîtrise, contemporain, sombre et tempétueux.

Un décorum emblématique, l’atmosphère à l’instar d’un brouillard épais. Ici, le reflet des noirceurs de l’âme humaine.

L’intensité d’une histoire, qui attire les torpeurs manichéennes. L’ombre et la lumière, la dualité et les disparités.

Les gravités sourdes et sournoises, des faillites sociétales. Bien au-delà d’un récit captivant, l’adrénaline fois mille, les signaux vifs des vulnérabilités. Le passage à l’acte sur un fil de plus en plus mince, où tout peut vite basculer dans l’épaisseur des paysages.

Aux lisières qui retiennent immanquablement les désenchantements, les jalousies, les rêves blessés, les affres intestines. Ce qui diffère du vertigineux et de l’enchantement.

Ne pas oublier que : « L’homme est un loup pour l’homme » selon Hobbes. Ici, tout prend sens.

Dévorant de messages, efficace, ce récit bouscule avec évidence et rigueur, le point d’altitude de la sérénité.

Le village de Tordinona est lui aussi un protagoniste central de ce huis-clos.

C’est une mise en abîme finement politique, sociétale, et sociologique. Une plongée dans le microcosme des préjugés prégnants. Entre la violence et  la radicalité des a priori.

« C’est un vent féroce. C’est un hurlement. C’est un lieu perdu. La bise violente une armée de flocons affolés. Une silhouette se dessine à peine. »

Un voyageur des hasards, l’étrange (er), arrive subrepticement dans ce village où d’aucuns n’échappent aux virulences du rejet de l’autre. Qui, du regard, de l’hostilité, guetteurs (euses) des ombres.

Défendre le territoire, l’exigence de tranquillité. Il est ici. Cet homme. Victor Pasquinel.

« Ça fait des années qu’il marche à travers la France, et aussi en Italie. C’est là-bas qu’il veut se rendre. »

La tempête s’élève, insidieuse. Le vent tourne. Il fragilise, embrase et se métamorphose, insensible et irrémédiable.

L’écriture coopère avec ce temps des vulnérabilités.

« Les flocons jetés contre le visage de l’homme deviennent des balles cinglantes. »

On ressent le tumulte des neiges chahutées, l’effroi presque gémellaire avec ce qui va advenir d’implacable.

La langue d’une trame sublime, qui happe entre la fureur et le calme. Elle laisse surgir les profondeurs obsédantes dans une orée d’une nature writing majestueuse. Victor Pasquinel se dirige vers la ferme des jeunes marginaux. Des néoruraux, dont les villageois se méfient. Tout est mêlé, au corpus des éléments. Dans un même tempo, Orazio prévient le maire qu’un drame vient de se produire. Basile Gay, le maire, un homme xénophobe, anti-héros, rude et pervers, apprend de plein fouet qu’il s’agit de sa fille. Ils vont auprès d’elle. Le maire comprend que sa fille a été assassinée.

C’est le basculement dans le chaos. L’électrochoc qui va enclencher les haines et le vertige glacé des similitudes avec notre monde. Un absolu de rage, une scène au ralenti, filmique, irrévocable. L’hostilité ténébreuse et le froid qui gerce les cœurs. Tout est lié au délitement de ce village dont les frontières mentales vont être un exutoire de rejet.

Victor Pasquinel est soupçonné. Ce ne peut être que lui. Les frontières entre l’Italie et la France, le cœur des Alpes est foudroyé. L’unique pont qui relie le village du reste du monde vient de s’écrouler sous une avalanche. Prémonition. Le piège tarentule devient une parabole. On ressent d’emblée les déchirures d’un village où l’ambiance délétère est l’idiosyncrasie d’un racisme aux abois. Un village, emblème de faux-semblants, des hypocrisies, d’un racisme, celui du maire qui dirige les habitants d’une poigne de fer. Un gourou. Les anciens contre les justes arrivés. Le liant ne prend pas. Un village où d’aucuns est une cible. Une cabale est lancée. L’étau se resserre. Nadia et Marcus, sont les deux seuls policiers de ce village damné, virulent et prêt à imploser. Ils vont faire bloc contre le maire et ses acolytes qui accusent d’emblée Victor.

« La malédiction de ce lieu est le manque, le manque d’amour et le manque de mots. Il n’y a que le vent, qui ne fait jamais que passer, pour pousser son hurlement et enfeindre la règle de la saison froide et muette. »

« Et peu importe le prix à payer. Ce qui compte, c’est assouvir ses bas instincts et ses passions tristes. »

« De neige et de vent » est un huis-clos palpitant et lucide. La nature signifiante peinte avec l’art des mots de Sébastien Vidal. C’est un livre charnel, magnétique.

« Nous avons tous un destin, mais nous avons le libre arbitre. »

Un roman profondément humain, fulgurant et hypnotique.

Une canopée ténébreuse qui tient en haleine jusqu’à l’apothéose du point final. Publié par les majeures Éditions Le Mot et le reste.

E. L.

 

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