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L'élégancedeslivres
26 juin 2023

La colère selon M Guillaume Lafond Éditions Intervalles

La Colère selon M - Guillaume Lafond - Roman - Éditions Intervalles

La colère selon M

Guillaume Lafond

Éditions Intervalles

La Colère selon M - Guillaume Lafond - Roman - Éditions Intervalles

Mon avis :

L’éminente littérature !

Prodigieux,spéculatif, une plongée en apnée dans « La colère selon M », dans les profondeurs d’un chef-d’œuvre. L’humanité comme une force. Les émotions comme une vie en veille.

Magnétique, fascinant, viscéral, intègre, ce livre est d’ombre et de lumière. Essentielle et mélancolique, la déambulation est-elle qu’on ne lâche pas la main de M. Il semble notre héros, notre grand frère. À l’instar d’un ami qu’on attend les soirs d’hiver avec un thé brûlant. Un rituel, une visite riche de connivences.

M. est le narrateur. Le « je » de ce livre qui déploie sa vie et ses intériorités gorgées de pluie.

« Ma pénitence touche à sa fin. Il aura fallu plusieurs vies et un destin chimérique pour que mon mépris et mon ressentiment trouvent à s’accomplir. Le bateau me conduit à Amorgos, dans les Cyclades ».

M. conte. Son enfance lacérée par son géniteur. Un homme mutique, alcoolique et violent. La lâcheté omniprésente sur ses lèvres. Il vit à Rouffiac dans le Cantal, « déserté et sans horizon », jusqu’à ses quinze printemps. Le jour de trop, celui où son père le frappe et où M. réagit et laisse son père quasi mort dans les bois. Il va fuir. Flirter avec la ligne jaune. Chercher le pain pour la faim et l’eau pour la soif. La tendresse sera peut-être pour plus tard, pas tout de suite, pas maintenant. C’est un jeune homme qui va mûrir sous les difficultés et ses quêtes intérieures. Le Cantal n’est plus. Seules les senteurs boisées, les chemins croisés, les brouillards épais sur les monts sont les souvenirs dont le croustillant lui manque. L’impossible retour, les dérives assassines et le corps ployé par les affres insidieuses. L’écriture est un palais d’honneur. L’adolescent rebelle, quelque peu agressif, « je restais prisonnier de ma propre indigence », s’évade et se cherche. Il ne voit pas sous le flou des regards, mais pressent « la Légion » comme une métamorphose. Il est temps. Il allait sombrer sur la mauvaise rive. Il reçoit son képi blanc le 3 février 2003. Légionnaire attentif à la passation d’un changement pour lui-même. Il écrit à sa mère, lui dire, qu’il frôle l’âge adulte et sa plausible sagesse. Il va rencontrer l’ami. Le vénérable ami, son sauveur : Mémé. Un homme d’Ouganda et anglophone. Plus âgé, plus serein et plus maître que lui. Ils vont être liés à la vie. Le pacte d’une rémanence liane. Mêler leurs souffrances ancestrales, le Rwanda et ses folies meurtrières, les coups d’un père, l’alliage des douleurs. Le récit décline le pathos. Nous sommes dans un olympien des beaux sentiments nobles. L’exaltante camaraderie, dans cette fraternité innée. Taire la suite. Lisez ce livre, amis.

Sachez que la rencontre avec M. et Mémé n’aura pas de fin.

M. va être blessé gravement. « Les visages des popes sont blêmes ». M. qui n’aura de survivance que par Mémé. Les rappels pavloviens comme des chapelles en haute montagne.

Amputé, balafré, la mort comme du verre brisé sous son corps. Il est ici. De retour dans dans le Cantal. « Mes géniteurs ne me laisseraient pas en paix tant que je n’aurais pas rendu à leur foyer le plus méticuleux hommage . Alors le coucher de soleil sur les monts du cantal est venu saluer mon repos ».

Le fil d’Ariane est invincible. Mémé, Georges, le seul qui franchira l’antre bergère, le seul qui verra les peintures sublimes, pictural du sang de Mémé, et qui ne doutera jamais.

« Georges était leur récipiendaire bienveillant. Me confier à lui était salutaire ».

Georges est celui qui bâtira le triptyque de ce récit. Trois hommes avec leurs destinées entrelacs. Georges, lui aussi, avec le poids du monde sur les épaules. Celui de la finance. M. et sa colère sourde, ses choix et son éthique coûte que coûte. Le basculement d’une renaissance belle à couper le souffle.

Ce livre est une madeleine de Proust. Un outil pour demain. Le chaos sociétal qui décroche les peintures du ciel. Mais l’homme devenu veille. La Grèce et sa langue salvatrice. Chacun des chapitres octroie une clef. Prenez en soin.

« La colère selon M » est un livre qui donne des forces. La définition même de l’envol. Un livre qui relie au présent. Une épopée humaine, vertigineuse que l’on serre dans nos bras.

Après « La Correction » en 2021, « La Colère selon M » est digne d’un génie évident. Publié par les majeures Éditions Intervalles.

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