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L'élégancedeslivres
10 décembre 2023

Border la bête Lune Vuillemin Éditions La Contre Allée

Border la bête - La contre allée

Border la bête

Lune Vuillemin

Éditions La Contre Allée

En librairie le 12 janvier 2024

Border la bête - La contre allée

Mon avis :

« Tout me rappelle combien le sol sous nos pieds est fragile . »

L’épiphanie du monde vivant. La Canopée littéraire, un lac gelé diapason de l’Ontario.

« Quand le vent reprend son souffle, l’air se fige au-dessus du lac Petit. »

« Border la bête », entrelacs où la nature est signifiante. Sauvage et libre, elle laisse un passage à la narratrice qui va vivre un bouleversement intérieur.

Ce livre de mousse et de lichen, d’arbres et d’empreintes d’animaux, est un lever de voile essentialiste.

Le sceau d’un texte vivifiant sans le monde alentour. Celui de l’agitation, du consumérisme et de la rapidité.

L’immersion dans une littérature au ralenti, d’essences et d’envoûtement à la limite de la réalité. Puisque la terre, le ciel, la poésie arpentent cet espace, pourvoient ensemble, aux méandres des intériorités humaines.

Le refuge Alcazar, où la narratrice pressent l’utile et le salvateur, les spéculatives heures où le lac blanc, les animaux sauvages, l’hiver et son rideau d’amertume seront l’asile devenu.

L’orignale qui ferme les yeux, l’impossibilité d’une résurgence, marque le destin de cette jeune femme blessée elle aussi en elle.

Elle est ici, dans ce refuge. Avec Arden, la femme aux mains d’araignée. Jeff, un être discret, dont la seule beauté est à l’intérieur de lui. Son aura humble, attire les rais de lumière. Trois, lianes, gémellaires, fusionnels, dans cette théologale approche du monde animal, loin de toutes terres habitées.

« Je suis la trace d’un renard sur le sol blanc. Tout autour les touffes d’herbes et leur couleur de miel sombre qui se reflètent dans la glace, floutent ce territoire que j’arpente et découvre. L’absence de Frank vient habiter les espaces que nous n’avons jamais arpenté ensemble. »

« … C’est le cœur de Frank qui passe son tour c’est un dictionnaire qui cherche le mot pour décrire une orpheline avec des parents encore vivants. »

L’écriture est une voix. Tout semble alliance. Les meurtrissures comme des branches qui craquent par grand froid. Arden, dont son frère était le bourreau. Les mains aplaties, devenues araignées et pour cause. « Le rire d’Arden part au galop comme un coyote en fuite. » Résistance. On ressent la vie en veille, qui, subrepticement s’élève au rythme pavlovien des jours. Dans cette lisière où les conjugaisons ne s’apprennent qu’avec endurance, foi, et cette majestueuse complicité avec les inlassables silences. « On aurait dû appeler le printemps l’éveil. » L’apothéose des sentiments, Arden et la narratrice, l’osmose des complaintes et des berceuses végétales. On aime le dictionnaire, celui qui rassemble l’épars. Recueillir les sons, les empreintes, l’innommable, les traces comme des signes. Les paraboles à l’instar des murmures sylvestres. La mémoire du vivant, laisser le message au creux des pages. Les paysages, les bruissements, les senteurs, les non-sons, comme un abri dans un sous-bois empreint de fluide magnétique.

« Border la bête ». Tout, ici, est relié à l’âme humaine. L’altruisme, l’acuité, la quête du sens. L’apogée d’essences et de renaissance. La narratrice, larmes de neige et de solitude. Arden, l’amoureuse du présent, dans cette immense simplicité des gestuelles innées. Ne jamais confondre la nuit d’antan et ce jour boréal. Jeff et ses miraculeuses tendresses. L’herbier, l’initiation, la collecte des philosophies, macrocosme du vivant. Laisser partir les effluves des souffrances, les rêves écorchés. Faire de l’herbier, la clairière et l’habitacle. Le perpétuel pour le lendemain de ceux qui viendront bouger l’aiguille du temps, aux bordures du refuge. « Colmater les interstices . » « A-t-elle dansé avec la langue maternelle, les diphtongues et les accents de la langue des prairies ? A-t-elle offert aux coyotes l’odeur du maïs et le chant des moissonneuses ? » « Je crois que j’aime pour la première fois . »

La Babine, cette rivière, l’avaleuse, parabole d’Arden, « Je rêve encore de la femme-bois-flotté. » L’édénique trame, l’altérité réenchantée. 

« Border la bête », magistrale couverture de survie. Un texte de renom qui ne sait pas encore combien les mots ont de valeur, dans nos forêts intimes. Juste né et déjà si vaste !

Lune Vuillemin, emblème des majestueuses prononciations initiatiques. Le deuxième roman après « Quelque chose de la poussière » (éditions du Chemin de fer), prouve une nouvelle fois, une capacité d’écriture digne d’un génie évident. Vénérable, la frondaison littéraire. « Celle qui vous mène au refuge . »

À noter, une couverture délicate et expressive, illustrée par Renaud Buénerd, « véritable invitation à aller voir ce qui se passe par delà la colline. »

Publié par les majeures éditions La Contre Allée.

 

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