Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
L'élégancedeslivres
23 janvier 2024

La Collection Dominique Paravel Éditions Serge Safran éditeur

Amazon.fr - La Collection - Paravel, Dominique - Livres

La Collection

Dominique Paravel

Éditions Serge Safran éditeur

 Amazon.fr - La Collection - Paravel, Dominique - Livres

Mon avis :

Une aire d’autoroute, celle de Montélimar, et tout change au vent de la vie.

Une myriade méticuleuse. Un livre ardent, vertigineux d’intelligence .

Terriblement humain, l’aptitude à la métamorphose. Entre un désespoir révélateur, hypnotique et fondamental.

C’est l’histoire peu banale d’un homme, celle de Gabriel Bernier. Un anti-héros, terne et déçu, dont l’existence semble le musée qu’il dirige en tant que conservateur.

Dans cet endroit emblématique où il s’est arrêté avec sa femme Ania. Il est soudainement pris d’un malaise. Il semble alors son propre anéantissement. La chute d’Icare. L’oubli. Amnésique endormi quelques minutes. Lorsqu’il reprend connaissance, sa femme a disparu. Métaphore, double sens, nous sommes dans une littérature voluptueuse, efficace et subtile. Ania, « vingt ans de moins que lui, un visage encore indemne. Directrice d’une agence d’évènementiel... », lui, docteur en histoire de l’art, mais l’aura en berne.

Un désaccord sur un projet commun, la dualité, le noir et le blanc. Gabriel est l’emblème des vents contraires. Plus de voiture, plus de femme. Il est seul au centre de cette aire d’autoroute, dans cette croisée des chemins, où les déambulations sont le côté pile de l’idiosyncrasie sociétale. Le récit est décisif et s’étire dans une orée finement politique et sociologique. Gabriel va enquêter. Des rencontres fortuites, devenues des leviers. Les caricatures qui découlent des personnages sont des masques tombés. Le reflet contemporain de nos habitus et petites manies et les a priori des catégories sociales. Le tableau résurgence de tous les paradoxes et des injustices, le monde d’en haut et d’en bas. « Dans ce Disneyland de l’autoroute, pas de SDF réduits en bouillie par la canicule, pas de migrants cherchant pitance et abri, pas de travailleurs acculés au suicide, rien qu’une hideuse farandole de vacanciers. Rares sont les beaux visages, une bouche tient du miracle.Ce n’est qu’endormis que cette multitude d’essais ratés, accède quelquefois à la beauté, comme s’il leur fallait abandonner la verticalité, la percée du regard. Une femme âgée sur un transat, dont l’ombre d’un cyprès racrait les paupières. Un jeune homme étendu sur l’herbe au visage mêlé d’Orient et d’Occident. »

Il puise en lui les solutions inestimables. La remontée du temps, le corpus familial, son fils, la mise à distance. L’incompréhension commune. Tour remonte à la surface, immanquablement. Gabriel est admirable dans sa quête lumineuse. « Aujourd’hui encore il éprouvait la même impuissance face à sa fils, n’avait jamais trouvé le chemin vers lui, l’un et l’autre toujours à la mauvaise distance. Je l’aime pourtant, se dit-il, le cœur douloureux, le cœur empêché. »

Le récit est bleu nuit, beau à couper le souffle. Tendre comme le bon pain. Sous ses faux airs d’humour, soit joyeux ou cynique, se cache un Gabriel Bernier qui fait saillir le pictural d’une aire d’autoroute dans sa définition la plus triomphante. Des serveuses, aux vacanciers, des routiers aux balayeurs, jusqu’aux petits moineaux qui quêtent des miettes de pain sous les tables en bois délavées.

Les tableaux de son musée sont fructueusement réalisées avec les monde vivant, des pauvres aux nantis, du chat disparu, échappé lui aussi…

Une vue d’ensemble qui lui fait l’effet d’une flèche en plein cœur. On aime cet homme rimbaldien, mystique des vérités. Plus il avance et plus sa vue se brouille. Ania devient subrepticement la brume et son nouveau point de départ. «- Alcool, tu aimes ? Dit- l’un. Gabriel attaqua la côtelette à pleines dents. Qu’est-ce que je fous là, se dit-il, avec ces trois types qui me prennent pour un des leurs ? Quel pays ? demanda-t-il en finissant de ronger son os. -Albanie. Il connaissait pas grand-chose de la peinture albanaise, à part le tableau qu’on désignait comme la Joconde albanaise, peint en 1883 par Kolë Idromeno, une femme en costume traditionnel dans des tons de rose. »

« La Collection » est initiatique, engagé. On s’attache à cet homme qui va faire un premier pas vers son advenir. Ne rien dire de plus. Judicieux, singulier, ce roman contemporain est la splendeur d’un voyageur qui vaincra (peut-être) de ses épreuves. Un livre frénétique et sensible de Dominique Paravel. Les méandres de l’âme humaine. Prodigieux.

Publié par les majeures Éditions Serge Safran éditeur.

 

 

 

 

Publicité
Publicité
Commentaires
L'élégancedeslivres
Publicité
Archives
Publicité